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Est-ce que nous sommes dans un monde déjà programmé ?

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monde déjà programmé

Benjamin Libet et ses étranges expériences 

Avant même que l’on ait conscience d’écrire un mot, le processus dans notre cerveau serait déjà déterminé à l’écrire. Mais alors qui écrit ? Il existerait bien quelque chose en nous qui décide de ce que nous allons faire. Est-ce que le monde est déjà programmé à l’avance? On pourrait penser que tout est déjà bien programmé et que tout ce qui se matérialise existe déjà quelque part, bien réel, et se manifeste lorsque c’est le moment.

Expériences de Benjamin Libet

Le libre-arbitre existe-t-il ?
Nous avons l’habitude de penser que nous sommes libres de décider et de choisir nos actes. Et pourtant, une série d’expériences de neurosciences jettent un doute sur ce qu’on a l’habitude d’appeler notre libre-arbitre.

Même si elles sont largement débattues, tant du point de vue de leurs résultats scientifiques que de l’interprétation philosophique qui en est donnée, ces expériences sont pour le moins…troublantes !

Libre arbitre et activité neurologique

Nous avons tous une notion intuitive de ce qu’est le libre-arbitre. Sur le plan biologique, on peut l’associer à la notion d’action volontaire, qui s’oppose à celle de réflexe. Tandis que les réflexes empruntent des chemins neuronaux simples (comme un rapide circuit via la moelle épinière), les actions volontaires font intervenir de nombreuses aires cérébrales.

1983 : L’expérience fondatrice de Benjamin Libet

Dans l’expérience de Libet, on vous place devant une horloge qui défile rapidement, et on vous donne un bouton sur lequel vous pouvez appuyer au moment qui vous plaira. La seule chose qu’on vous demande c’est de retenir le nombre indiqué par l’horloge au moment où vous prenez votre décision d’appuyer. Dans le même temps, des électrodes placées sur votre crâne suivent votre activité cérébrale.

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BENJAMIN LIBET et ses expériences

Ce dispositif permet de mesurer

1) le moment où vous prenez la décision d’appuyer,

2) le moment où votre cerveau commence à s’activer,

et 3) le moment où vous appuyez physiquement sur le bouton.

Et la découverte spectaculaire de Libet, c’est que l’activation cérébrale précède la décision consciente, et ce de plusieurs centaines de millisecondes. C’est ce qu’illustre le schéma ci-dessus, où la courbe rouge symbolise la mesure d’un signal électrique cérébral que l’on appelle potentiel de préparation motrice Interprétée de manière brute, l’expérience de Libet semble condamner le libre-arbitre : vous avez l’impression de décider d’appuyer à un certain moment, mais votre cerveau a déjà décidé depuis presque une demi-seconde !

Comment puis-je être libre de décider quelque chose, si au moment où j’ai conscience de choisir, mon cerveau a déjà commencé à agir ?

Comme on peut s’en douter, cette expérience possède de nombreux points faibles que les spécialistes n’ont pas été longs à relever.

Il y a tout d’abord les incertitudes de mesure, puisqu’on parle ici d’un écart de seulement quelques centaines de millisecondes. Ensuite le fait que l’estimation du moment de décision par le sujet lui-même n’est certainement pas très fiable : elle est subjective et l’horloge peut constituer une source de distraction et donc d’erreur. Enfin, le signal électrique relevé dans le cerveau pourrait être simplement un signal « préparatoire », qui indique que le cerveau s’active mais qui ne détermine pas spécifiquement la décision que l’on va prendre.

Il y a de nombreuses critiques à faire à l’expérience de Libet, et qui permettent de se rassurer quant à l’existence de notre libre-arbitre. Tout va bien donc, jusqu’à une nouvelle expérience réalisée en 2008, et qui s’affranchit d’une grande partie de ces critiques.

MONDE-DÉJÀ-PROGRAMMÉ  (2)

Nous vivons dans un monde déjà programmé

2008 : Une nouvelle expérience très troublante

Dans cette nouvelle expérience [3], plusieurs choses diffèrent par rapport au protocole de Benjamin Libet. Pour commencer, le sujet dispose de 2 boutons, un dans sa main gauche et un dans sa main droite. Il peut appuyer lorsqu’il le souhaite, soit à gauche soit à droite. Ensuite, le cerveau du sujet est suivi cette fois dans une IRM, ce qui permet d’observer simultanément l’activité de tout un ensemble d’aires cérébrales.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats de cette expérience sont troublants. D’une part, l’IRM révèle qu’une activité cérébrale préparatoire existe 7 à 10 secondes AVANT que le sujet ne prenne sa décision d’appuyer. Encore plus troublant, cette activité cérébrale permet dans une certaine mesure de prédire de quel côté le sujet va appuyer (notamment dans les zones représentées en vert dans l’image ci-contre )

Pour modérer un peu ce résultat apparemment catastrophique pour notre libre-arbitre, il faut noter que la prédiction faite par l’IRM est loin d’être infaillible, car elle fonctionne au mieux dans 60% des cas, ce qui est significativement mieux que le hasard, mais reste tout de même limité.

Quelle conclusion raisonnable tirer de ces expériences ?

Il faut savoir qu’il n’existe chez les scientifiques et les philosophes aucun consensus quant à l’interprétation de ces expériences. Pour certains comme Patrick Haggard, le libre-arbitre n’existe tout simplement pas, il affirme « We feel that we choose, but we don’t ». Pour d’autres, au contraire, ces expériences n’ont aucune valeur, « Circulez ya rien à voir ! ».

Une position intermédiaire raisonnable c’est d’admettre que ces expériences montrent au moins que nos intentions ne sont pas systématiquement à l’origine de nos actions. Les processus inconscients jouent peut être un plus grand rôle que nous ne pouvions le penser, et la conscience d’une décision est un phénomène qui se construit au cours du processus de décision, pas à son origine.

Comme cette conclusion prudente semble quand même en mettre un coup à notre vieille notion de libre-arbitre, une manière de se rassurer c’est de considérer que notre cerveau prépare nos décisions assez en avance par rapport à notre conscience, mais qu’il nous laisse jusqu’au dernier moment un droit de veto. Il semblerait qu’une des fonctions de cette aire appelée SMA soit justement de pouvoir inhiber certaines actions décidées et préparées en amont. Donc jusqu’au dernier moment, on aurait le choix de ne pas faire.

Pour d’autres philosophes comme Dan Dennett (ci-contre), ces expériences sont correctes, mais elles ne sont pas incompatibles avec le libre-arbitre. Ces philosophes adhèrent à une position appelée compatibilisme, selon laquelle la réalité est totalement déterministe mais le libre-arbitre existe quand même. J’avoue que je ne comprends pas ce que ça signifie, et que pour moi ça ressemble beaucoup à une posture de façade « pour sauver les meubles ». Ce qu’on peut comprendre car si le libre-arbitre était vraiment réfuté, les conséquences pour la société pourraient être terribles.

Les implications morales de l’absence de libre-arbitre

Imaginons que l’on montre scientifiquement que le libre-arbitre n’existe pas, alors on est mal car toutes nos lois et notre droit reposent sur la notion de responsabilité individuelle : nous sommes responsables de nos actes car nous sommes libres de les accomplir ou pas.

D’ailleurs en droit, pour être puni d’un crime, il faut qu’il y ait à la fois l’intention et l’action. La pensée n’est pas un crime, donc si vous avez juste l’intention de commettre un forfait, on ne peut pas vous condamner pour ça (encore que ce ne soit pas totalement vrai, notamment dans le cas de la préparation d’actes terroristes). Réciproquement, si quelqu’un commet un crime mais est jugé irresponsable, il ne sera pas condamné. Donc si le libre-arbitre n’existe pas, nous sommes tous irresponsables de nos actes et toutes nos structures juridiques s’effondrent ![

Vivons-nous dans un monde déjà programmé ?

L’autre risque si on conclut que le libre-arbitre n’existe pas, c’est que la plupart des gens risquent d’en déduire qu’ils peuvent faire n’importe quoi, puisque finalement ils ont l’impression de ne pas être responsables. Cet effet a été démontré dans une expérience [4], où les auteurs ont montré que si les gens ne croyaient pas au libre-arbitre, ils étaient plus enclin à tricher.

Toutes ces conséquences on a amené Dan Dennett à mettre en garde les scientifiques à ne pas trop faire d’annonces intempestives au sujet de leurs expériences sur le libre-arbitre. J’ai l’impression qu’avec ce billet, je fais exactement le contraire…En tout cas le sujet intrigue, songez que le programme de recherche Big Questions in Free Will est quand même doté de la modique somme de 4.4 millions de $ !

Pour aller plus loin…

Je voudrais quand même faire un petit commentaire sur ce résultat de 60% de prédiction du côté gauche/droit quand on fait l’IRM. Cela peu paraître peu, bien peu. Mais songez que l’IRM est loin d’être en général un prédicteur parfait de nos actes. Ce qu’ont notamment montré les auteurs, c’est que même en utilisant l’information disponible dans le cortex moteur après la prise de décision et pendant le mouvement, on n’arrivait à correctement prédire le côté que dans 75% des cas. Alors qu’en théorie on devrait être capable de le faire à 100%. Cela suggère que l’IRM est une information peut être trop agrégée pour permettre une prédiction très fiable.

ouvert ton coeur

Ainsi une récente étude montre qu’en faisant un suivi individuel de neurones avec des électrodes implantées dans le cerveau (plutôt qu’une IRM), on peut prédire le résultat avec une acuité de 80%, et ce 700 millisecondes avant la décision consciente. Tout ça pour dire que rien ne nous met à l’abri de futures expériences avec de meilleurs systèmes de mesure et de prédiction, qui pourraient deviner nos décisions 5 secondes en avance avec 90% de fiabilité. Pour moi le principal argument qui me permet de ne pas devenir fou en lisant ces expériences, c’est le fait que les décisions étudiées – appuyer sur un bouton à droite ou à gauche – sont quand même très très simples par rapport à toutes nos décisions de la vraie vie, même les plus triviales.

Enfin pour finir (exceptionnellement) sur un peu de philo, ces expériences semblent au moins réfuter le modèle dualiste du corps et de l’esprit. Dans ce modèle popularisé par Descartes, l’esprit existe indépendamment du corps, et est capable de le contrôler. Si cette vision était correcte, alors le sentiment d’avoir l’intention d’agir (qui viendrait de l’esprit) devrait précéder les manifestations cérébrales et musculaires (du corps). Il paraît que les philosophes dualistes, ça n’existe plus, mais malgré tout la vision dualiste reste probablement la plus reflétée dans le langage commun, quand on dit « JE décide » (esprit), mais « le cerveau s’active » et « le muscle bouge » (corps).

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Publié par Clément Artois

Clément a toujours été très empathique et possède de grandes capacités d'écoute, lorsque les gens ont besoin de conseils dans leurs relations, c'est toujours vers lui qu'ils se tournent.

4 Commentaires

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  1. De l’autre côté, l’âme prépare lui même ce qu’il veut acquérir pour faire avancer son âme. Il peut décider de travailler l’abandon, et se faire vivre tel épreuve. Il peut inclure la patience et se mettre une autre épreuve et ça continue. L’âme descend sur Terre pour s’améliorer. Il décide des grandes lignes de sa futur vie de l’autre côté et parfois, c’est eux qui décide ce qu’ils vont t’envoyer comme épreuve quand tu ne comprends pas. Jusqu’à ce que tu comprennes. Quand tu vis sur Terre, là tu ne te souviens plus de rien. Tu es la seule personne à décider quelle route tu vas prendre. Alors, oui ta vie est déjà une partie écrite par toi et une partie qu’eux décide quand tu ne comprends pas. Ils peuvent faire parfois des changements si ça ne vient pas à l’encontre de tes plans que tu as décidé au départ. Tu peux également faire des demandes aux être de lumière et ils peuvent te l’accorder ou pas. Tu peux également attirer des choses vers toi en te servant de l’univers car elle est fait d’énergie tout comme toi. Et quand tu retourneras de l’autre côté, ce que tu as réussi de l’autre côté te fera échelonner et ce que tu n’as pas réussi, tu le recommenceras dans une autre vie.

  2. Cette expérience ne démontre en rien que le libre arbitre n’existe pas, mais plutôt l’inexistence de la croyance en une linéarité du temps. Le véritable libre arbitre peut parfaitement s’accomoder du fait que lorsqu’il prend une décision, celle-ci s’inscruste dans le passé en remontant six ou sept secondes dans le passé par exemple.

  3. Encore faut-il s’entendre sur la notion de « libre-arbitre »… Si l’on considère,que cette notion implique le contrôle permanent et l’anticipation consciente de ses pensées, de ses actes, et de ses paroles, le tout « a priori » de leurs manifestations, quelque chose d’aussi courant et connu de longue date qu’un « lapsus linguae » démontrerait également que le libre-arbitre n’existe pas.

  4. En même temps, c’est évident que l’inconscient s’active auparavant. On lui donne des consigne (appuyer quand vous voulez), inconsciemment ça va en quelque sorte le turlupiner jusqu’à qu’il se décide.
    C’est un peu comme dans un examen, on connait la question, on n’a pas la réponse, on décide d’abandonner mais on se rend compte qu’on a cette réponse et on écrit la réponse. ça peut durer de quelques secondes à plusieurs minutes, pendant lesquels consciemment on décide ou pas d’abandonner, et inconsciemment le cerveau cherche toutes les infos possible pour aider à la prise de décision (ici la réponse).
    Pour moi le libre arbitre existe, l’inconscient est là pour aider à prendre une décision, et non pas pour nous programmer.

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