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Indiens d’Amérique: une tragédie dans l’histoire de l’humanité

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Indiens d amérique

Il s’agit de l’un des plus grands génocides de l’histoire, plus grand encore que celui qui nous est continuellement ressassé, car l’on parle ici de 80 millions à 100 millions de personnes! Et pourtant, celui-ci continue tranquillement. Les amérindiens sont « protégés », essentiellement comme source de revenus, avec la visite des réserves, grâce au cinéma, à la culture, mais sinon… Leur principal droit est celui-ci de garder le silence, aux États-Unis, le « blanc » reste maître!

Les Etats-Unis ne voient pas d’un bon oeil que le sort des Indiens d’Amérique soit pour la première fois à l’ordre du jour des Nations-Unies. Car il s’agit de se pencher sur le sort d’une population de 2,7 millions d’habitants ravagée par de nombreux fléaux et dans des proportions effroyables. Mais qu’en attendre? Car la parole de ces exterminés est inaudible.

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Photo John Miles / Survival

Un jour d’avril 1973, un militant noir américain pour les droits civiques, Ray Robinson, qui a longtemps suivi Martin Luther King, débarque à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Il veut apporter son soutien à la cause des « Native Americans », ainsi que l’on nomme les Indiens aux États-Unis, qui manifestent contre les injustices dont ils sont victimes dans le pays. Wounded Knee est un lieu emblématique et de sinistre mémoire. C’est là, en effet, que furent massacrés et jetés dans une fosse commune entre 150 et 300 hommes, femmes et enfants au matin du 29 décembre 1890, par le 7ème régiment de Cavalerie du Colonel James Forsyth. Sitôt arrivé dans ces lieux où résident encore une petite communauté indienne, Ray Robinson appelle sa femme qui lui demande de rentrer à la maison, inquiète car elle sait que la situation sur place est explosive. Elle ne le reverra jamais. Après avoir reçu l’annonce de la mort de son époux, Cheryl n’a réussi à savoir ce qui était arrivé à son mari ni où son corps avait été enterré.

Quarante ans plus tard, Cheryl a fait le voyage de Détroit à Sioux City pour témoigner de son histoire. Le gouvernement américain refuse encore de communiquer sur le sort de son mari, officiellement car le cas est toujours en cours d’investigation par le bureau du FBI de Minneapolis. A Wounded Knee, plus personne ne se souvient de Ray Robinson. Une épisode parmi tant d’autres dans l’histoire des militants de la cause des Indiens d’Amérique, qui n’a jamais bénéficié d’un large soutien populaire et que beaucoup voudraient voir s’éteindre.

Et de fait, cynisme et indifférence se conjuguent pour ensevelir année après année la mémoire des peuples indiens presque complètement anéantis en Amérique du Nord.

On ne va pas le nier, les Apaches, les Cheyennes, les Iroquois, les Sioux ou les Esquimaux ne nous inspirent pas, la plupart du temps, un sentiment extrême de culpabilité. Mais ce n’est rien comparé au pays du Western et de la Country. Pas plus que le Jazz ou le Blues ne suscitent leur part de tristesse chez leurs amateurs et ne réveillent chez eux les souvenirs tragiques des lynchages des Noirs, ces genres populaires ne renvoient à la réalité d’un génocide toujours en cours dans l’indifférence générale.

Quand un Américain de l’Illinois veut acheter ses cigarettes à bas prix (un paquet coûte ici actuellement 10 dollars), il prend la route du sud de l’État ou de l’Indiana voisin, pour s’approvisionner dans l’un des territoires octroyés aux tribus indiennes locales. Là, il paiera son paquet de cigarettes 4 dollars en moyenne. Dans un certain nombre de ces tribus, qui sont des milliers à travers les États-Unis, on peut aussi se procurer de l’alcool à bon marché, jouer au casino (dans 452 d’entre-elles) ou, si l’on se sent possédé par le mal (ce qui est très en vogue), consulter un shaman. Il est toujours très exotique de s’offrir une escapade dans ces drôles d’endroits. Pourtant, l’Américain moyen ne s’y risque pas trop.

En effet, 2,1 millions de ces Indiens, soit l’écrasante majorité, vivent largement sous le seuil de la pauvreté. La vision offerte par bien des campements tient purement du bidonville. Et une fois passé ses limites, c’est un voyage en enfer qui commence. L’alcoolisme y prend des proportions catastrophiques. Le chômage y bat tous les records du pays. La maladie se propage et tue comme dans les pires zones de la planète. Le suicide, celui des jeunes surtout, crève le plafond des statistiques. Les Indiens vivant à l’extérieur des tribus n’y reviennent eux-mêmes que pour se faire soigner quand ils n’ont pas, chose courante, accès au système de santé américain.

Anthony B. Bradley est Professeur de Théologie au King’s College de New York et Spécialiste des questions raciales aux États-Unis. « Si quiconque pense que le gouvernement fédéral sait ce qui est bon pour les communautés locales, explique t-il, il ferait bien de visiter une Réserve Indienne Américaine. Les Natifs Americains [Indiens d’Amérique, NDA] sont aujourd’hui plongés dans le cauchemar de la privation de soins et d’économie qui est la conséquence directe des problèmes crées par le Gouvernement lequel, en imposant des solutions censées résoudre les problèmes, rend ceux-ci bien pires en retirant aux communautés leur autonomie. »

Tel est le prix à payer pour les Indiens d’Amérique, pour rester sur la terre de leurs ancêtres, grâce aux concessions faites par le gouvernement fédéral. Pourtant, les États abritant ces réserves n’ont de cesse de rogner ces droits et de tenter de récupérer par tous les moyens ces espaces.

Pire, une certaine propagande laissant entendre que les Indiens d’Amérique auraient fait le choix de vivre dans ces conditions a fort bien fonctionné dans l’esprit collectif. Or, cela repose sur une contre-vérité historique.

L’une des plus graves violations des Droits de l’Homme dans le monde

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Photo Fiona Watson / Survival

En effet, peu rappellent le grand mouvement de délocalisation qui fut la conséquence de l’Indian Removal Act [Loi sur le Retrait Indien, NDA] lequel, au milieu du XIXe siecle, contraint les Indiens à délaisser leurs terres historiques au gouvernement pour se concentrer dans les zones qui leur étaient réservées en échange. En 1890, il était devenu interdit aux Indiens de sortir hors de leurs réserves pour s’approvisionner en nourriture. Une étude du Professeur Jeffrey E.Holm, de l’Université de Médecine du Nord Dakota, a mis en évidence que le changement de régime alimentaire imposé durant des décennies aux tribus indiennes a engendré une surmortalité aujourd’hui toujours existante, en raison des pathologies qu’elles ont engendrées pour des peuples qui n’avaient plus la possibilité se nourrir comme ils l’avaient fait durant des millénaires.

En 2010, les États-Unis, dans la foulée du Canada, fut le dernier pays au monde à ratifier la Déclaration des droits des Peuples indigènes aux Nations-Unies. Une des rares concessions faites par un pays qui place souvent l’Histoire au dernier rang de ses préoccupations, si ce n’est pour en offrir une version idéalisée. Mais en l’espèce, il est impossible d’idéaliser la réalité sur laquelle s’est construite l’Amérique. En effet, 90% des tribus amérindiennes ont disparu à la suite de l’arrivée des Européens en Amérique du Nord, la plus grande partie à cause des maladies, la partie restante par les armes.

Mais ce n’est pas tant cette réalité historique qui rend ces jours-ci le rôle du Professeur James Anaya complexe, en tant que Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les Peuples indigènes. Bien que, pour la première fois de leur histoire, l’organisation se penche, du 23 avril au 4 mai, sur le sort des Indiens d’Amérique, ce qui en soit est déjà un événement notable, c’est avant tout pour regarder en face une réalité qui n’est pas celle du passé mais celle du présent.

Cette réalité concerne les 2,7 millions d’Indiens qui vivent aujourd’hui sur le territoire des États-Unis, et qui constitue l’un des cas de violation des droits de l’homme à grande échelle le plus emblématique de toutes les nations développées.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes:

  • Les Indiens d’Amérique vivent en moyenne 6 ans de moins que les autres Américains
  • Ils ont 770% de risques en plus de mourir d’alcoolisme
  • Ils ont 665% de risques en plus de mourir de Tuberculose
  • Ils ont 420% de risques en plus de mourir de Diabète
  • Ils ont 280% de risques en plus de mourir d’accidents
  • Ils ont 52% de risques en plus de mourir de Pneumonie et de Grippe

(Source: Commission des États-Unis sur les Droits Civils, 2004:8)

Un Apartheid constitutionnel

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Répartition des Réserves Indiennes aux Etats-Unis (Source: National Atlas)

Les Indiens d’Amérique ont obtenu la citoyenneté américaine en 1924. Mais ils ont pour longtemps encore été exposés au même sort que les Noirs américains, ils n’ont pas pu accéder à l’enseignement scolaire, victimes de la ségrégation.

Ce n’est qu’en 1969 qu’ils se sont organisés, dans la foulée de la loi sur les Droits civils des Indiens votée l’année précédente. C’est à cette époque qu’ils ont obtenu ce dont les Américains blancs jouissaient depuis deux siècles: la liberté d’expression et d’information, la protection contre les recherches et les arrestations arbitraires, le droit d’engager un avocat pour se défendre, la protection contre les punitions inhumaines et dégradantes, contre les cautions excessives, l’abolition de la peine systématique d’un an d’emprisonnement ou de 5000 dollars d’amende quel que soit le délit commis, le droit d’être jugé par un jury, et ainsi de suite.

Mais actuellement, aucun Indien d’Amérique, citoyen des États-Unis, n’a accès à la plénitude des droits des autres citoyens américains. Une réalité qui peut prendre des aspects accablants pour l’Administration américaine. Ainsi, le 6 novembre 2008, le Gouverneur du Dakota du Sud, Michael Rounds, décrète l’état d’urgence car son État est recouvert par une épaisse couche de neige et de glace qui le paralyse. Mais les réserves indiennes seront exclues du dispositif.

La guerre des Etats contre les Tribus

Mais le pire pour ces tribus à l’heure actuelle vient certainement de la pression des États pour s’accaparer leurs terres. Les conflits sont nombreux à travers tout le pays. Ils sont allumés sous divers motifs, comme la volonté du Gouverneur de New York, en 2007, d’étendre la taxation de l’état aux territoires de la Nation des Seneca, ce qui a engendré une violente bagarre juridique. Et bien que les territoires laissés aux Indiens soient pour la majorité pauvres en ressources et difficiles d’accès, leur contestation par les États qui les abritent sont de plus en plus courantes. 

Néanmoins, la pente naturelle démographique et sociologique suivie par cette population dont la Constitution américaine fait fi devrait se résoudre par le procédé le plus naturel du monde dans les décennies qui viennent: l’extinction.

Lire le rapport de l’Organisation Survival

Source: Marianne/a

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Publié par Clément Artois

Clément a toujours été très empathique et possède de grandes capacités d'écoute, lorsque les gens ont besoin de conseils dans leurs relations, c'est toujours vers lui qu'ils se tournent.

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