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Ce texte de 1980 écrit par Marguerite Yourcenar n’a pas pris une ride. Hélas. Je condamne l’ignorance qui règne…

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Ce texte datant de 1980 écrit par Marguerite Yourcenar n’a pas pris une ride. Hélas.

« Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires.

Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant.

Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.

Il apprendrait que les hommes se sont entretués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.

On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir.

On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie. ; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts.

On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays.

En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celle du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés.

On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs.

Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait. »

Marguerite Yourcenar, « Les yeux ouverts. »

Marguerite Yourcenar était une écrivaine française d’origine belge née le 8 juin 1903 à Bruxelles et décédée le 17 décembre 1987 à Bar Harbor dans le Maine (États-Unis). Elle est surtout connue pour son roman « Mémoires d’Hadrien » publié en 1951, qui est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature française du XXe siècle.

Yourcenar a grandi dans une famille cultivée et a étudié la philosophie et les langues classiques. Elle a commencé à écrire dès son plus jeune âge et a publié son premier livre de poésie,

« Les Jardins des chimères », en 1921. Elle a ensuite publié plusieurs autres livres de poésie et de fiction avant de connaître le succès avec « Mémoires d’Hadrien ».

Yourcenar était une écrivaine prolifique et a écrit des romans, des essais, des pièces de théâtre, de la poésie et des traductions. Elle était également une intellectuelle engagée et a écrit sur des sujets tels que la politique, l’histoire et la philosophie. Elle a été la première femme élue à l’Académie française en 1980.

Son style d’écriture était caractérisé par une grande rigueur intellectuelle et une profonde sensibilité. Elle a souvent exploré des thèmes tels que l’identité, la mort, la spiritualité et la condition humaine. Ses écrits ont influencé de nombreux écrivains et penseurs, et elle est considérée comme l’une des plus grandes voix de la littérature française du XXe siècle.

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Publié par Clément Artois

Clément a toujours été très empathique et possède de grandes capacités d'écoute, lorsque les gens ont besoin de conseils dans leurs relations, c'est toujours vers lui qu'ils se tournent.

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