in

Les gens les plus intelligents seraient plus exposés aux pervers narcissiques

pervers narcissiques
Pixabay

Par Anne Crignon

Dans votre ouvrage, vous explorez en profondeur la relation d’emprise, que le psychanalyste Saverio Tomasella décrit comme une véritable « main basse sur l’esprit », permettant de prendre le contrôle sur une personne. Comment la définiriez-vous ?

On pourrait la résumer en un mot : « décervelage ». Ce processus implique une érosion progressive des capacités psychiques d’une personne, soumise à des manipulations quotidiennes qui agissent comme de micro-agressions. Le poison est administré à petites doses, presque imperceptiblement. La personne manipulée en vient progressivement à perdre la capacité de distinguer ce qui est bénéfique ou néfaste pour elle, tout en restant inconsciente de ce « décervelage ».

Privé de discernement, dépourvu de ses capacités d’analyse, de son esprit critique et de son libre arbitre, la personne manipulée se soumet aux ordres du manipulateur sans opposer de résistance. Cette passivité est une caractéristique clé de l’individu sous emprise. Par ailleurs, la relation d’emprise reste encore mal comprise, ce qui conduit à des interprétations erronées et à la propagation de nombreuses idées reçues qui sont fausses.

Comme le fait de penser que les personnes manipulées par les pervers narcissiques sont « faibles » ?

tomber amoureux

Paradoxalement, ce sont souvent les personnes les plus « brillantes » qui se révèlent être les plus « sensibles » ou exposées aux techniques de manipulation. Philippe Breton, un éminent spécialiste français de la parole et de la communication, aborde ce sujet dans son ouvrage La parole manipulée (éditions La Découverte), qui a reçu en 1998 le prix de philosophie morale de l’Académie des sciences morales et politiques.

La manipulation crée une relation d’emprise totalement asymétrique, renforcée par sa persistance dans le temps. Il n’existe aucune égalité entre le manipulateur et sa victime. Dans sa forme la plus brutale, cette relation devient une prédation dont l’ »intentionnalité » est souvent ignorée par la plupart des analystes qui étudient ces phénomènes.

Cependant, nous commençons aujourd’hui à mieux comprendre ces mécanismes grâce aux travaux de certains neuropsychiatres, comme le docteur Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Elle décrit comment le mécanisme de disjonction se manifeste chez une personne traumatisée, et le même phénomène se produit chez quelqu’un soumis à des agressions psychiques répétées. Dans ce contexte, ce n’est pas l’intensité du traumatisme qui est déterminante, mais la répétitivité de ces agressions.

Ces recherches confirment la notion de « décervelage » décrite par le psychanalyste Paul-Claude Racamier, qui a introduit plusieurs concepts, dont celui de la perversion narcissique. Nous comprenons désormais comment les circuits neuronaux d’auto-inhibition fonctionnent chez une personne manipulée.

Auto-inhibition et autodestruction

Cette auto-inhibition se manifeste par un phénomène d’autodestruction aux conséquences physiologiques potentiellement très graves. Le décervelage n’est que la phase initiale d’une dévitalisation dont les effets se répercutent sur la santé mentale et physique de la personne manipulée.

Importance de la pluridisciplinarité

Comme souvent, une approche pluridisciplinaire favoriserait une meilleure compréhension de ces phénomènes complexes.

Nécessité des « reliances » interdisciplinaires

Pour approfondir la connaissance de cette problématique, il serait nécessaire de créer ce que le sociologue Edgar Morin appelle des « reliances » interdisciplinaires. Cela impliquerait de regrouper les connaissances issues de diverses disciplines, telles que la psychanalyse, la psychologie de la communication, les neurosciences, l’anthropologie, et la sociologie. Toutes ces disciplines, qui étudient la manipulation, la relation d’emprise et leurs conséquences sur les individus, pourraient offrir une vision plus complète et intégrée de ces phénomènes.

Bref, ce champ d’investigation reste encore à défricher d’autant que des découvertes récentes effectuées dans le domaine de la biologie moléculaire et génétique viennent, elles aussi, étayer la thèse que des « agents stresseurs », tels que certaines manipulations, dégradent nos gènes et les rendent « muets ».

Vous écrivez que « la manipulation altère profondément la personnalité du manipulé ». En quoi consiste cette altération ?

Le « décervelage » et l’empreinte du manipulateur

Grâce au processus de « décervelage », le manipulateur peut « imprimer » son mode de pensée chez la personne manipulée, de la même manière que l’on grave un fichier sur un CD vierge. De nouveaux comportements apparaissent alors, appelés « transagirs » par Paul-Claude Racamier. Ces comportements agissent comme des cliquets antiretour, bloquant toute évolution personnelle de la victime.

La théorie de l’engagement et la dissonance cognitive

Selon la théorie de l’engagement en psychosociologie, un individu réajuste son système de pensée pour qu’il soit en cohérence avec ses actions. Ce réajustement psychique provoque des dissonances cognitives chez la personne manipulée, qui se retrouve en conflit de loyauté entre ce que la manipulation lui « impose » de faire et les valeurs morales que ces nouveaux comportements transgressent.

Le conflit de loyauté comme méthode de torture

Ariane Bilheran, psychologue clinicienne et auteure de nombreux ouvrages sur les violences psychologiques, explique que le conflit de loyauté est l’un des mécanismes les plus fondamentaux de la torture. Pour empêcher le manipulé de retrouver ses capacités psychiques, l’état de confusion mentale doit être maintenu avec soin.

Le discours paradoxal et la manipulation mentale

Un des moyens les plus efficaces pour entretenir cette confusion est l’utilisation du discours paradoxal, formulé ainsi :

« Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais, et surtout, puissiez-vous ne rien comprendre à ce que je vous raconte, de manière à ce que, quoi que vous pensiez, disiez, ou fassiez, j’aie toujours raison. »

Ce type de communication, qui met en conflit les différentes facettes de la personnalité du manipulé, génère des conflits de loyauté et est « schizophrénogène ». En d’autres termes, ce genre de communication rend littéralement « fou ».

L’idée que les personnes intelligentes seraient plus exposées aux pervers narcissiques est un sujet complexe qui mérite d’être exploré sous plusieurs angles.

Pourquoi les personnes intelligentes pourraient être ciblées :

  1. Attrait pour la valeur sociale : Les pervers narcissiques recherchent souvent des partenaires ou des amis qui ont une valeur sociale élevée, que ce soit en termes d’intelligence, de réussite professionnelle, ou de réseau social. Les personnes intelligentes sont perçues comme ayant un potentiel élevé, ce qui peut attirer les manipulateurs narcissiques.
  2. Besoin de validation : Les personnes intelligentes, comme tout le monde, ont parfois besoin de validation. Un pervers narcissique peut exploiter ce besoin en offrant initialement de la reconnaissance et de l’admiration, avant de les manipuler par la suite.
  3. Défi intellectuel : Un pervers narcissique pourrait être attiré par l’idée de « conquérir » ou de manipuler quelqu’un de très intelligent. Pour eux, c’est un défi qui renforce leur propre sentiment de supériorité.
  4. Confiance en soi : Les personnes intelligentes peuvent être plus confiantes dans leur capacité à comprendre les autres et à gérer les situations difficiles. Cette confiance peut parfois les rendre moins vigilantes face aux manipulations subtiles des pervers narcissiques.

Pourquoi les personnes intelligentes pourraient être plus vulnérables :

  1. Complexité émotionnelle : Les personnes intelligentes peuvent parfois être plus enclines à rationaliser le comportement toxique d’un narcissique, en cherchant des explications logiques ou en minimisant les signaux d’alarme. Cette tendance à suranalyser peut les rendre plus vulnérables à la manipulation.
  2. Empathie et compréhension : Une intelligence émotionnelle élevée peut rendre une personne plus empathique et plus disposée à comprendre les difficultés des autres, même celles des pervers narcissiques. Cela peut les amener à excuser des comportements inappropriés ou à tenter de « réparer » l’autre.
  3. Illusion de contrôle : Les personnes intelligentes peuvent croire qu’elles ont suffisamment de contrôle ou d’influence pour changer ou gérer un pervers narcissique, ce qui peut les maintenir dans une relation toxique plus longtemps.

Cependant, l’intelligence peut aussi être un atout :

  1. Détection des signaux : Une personne intelligente, surtout avec une forte intelligence émotionnelle, peut être plus apte à repérer les comportements manipulateurs et à se protéger plus efficacement.
  2. Ressources pour échapper : Une intelligence bien utilisée peut permettre de planifier des stratégies pour échapper à une relation toxique ou pour demander de l’aide rapidement.

En résumé, bien que les personnes intelligentes puissent être ciblées par les pervers narcissiques pour les raisons évoquées, leur intelligence peut aussi leur permettre de détecter plus rapidement les manipulations et de s’en protéger. Tout dépend de la manière dont elles utilisent leurs capacités intellectuelles et émotionnelles dans ces situations.

Source Les gens les plus intelligents sont plus exposés aux pervers narcissiques : tempsreel.nouvelobs

Partagez cet article

Publié par Clément Artois

Clément a toujours été très empathique et possède de grandes capacités d'écoute, lorsque les gens ont besoin de conseils dans leurs relations, c'est toujours vers lui qu'ils se tournent.

24 Commentaires

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

pervers narcissique

20 points pour reconnaître un pervers narcissique

l'âme de l'enfant

L’âme de l’enfant choisit ses parents