Un enfant de personnalité toxique deviendra-t-il toxique à l’âge adulte ?
Voilà une question qui m’est très souvent posée ! Répondre oui reviendrait dès lors à considérer que la toxicité serait génétique…ce que je ne crois pas un quart de seconde ! Par contre, dire que nous sommes à risque zéro serait, à l’inverse, oublier que le parent toxique reste un parent pour l’enfant ! Quel que soit votre propre sentiment de détestation, n’attendez de votre enfant qu’il le partage spontanément !
Rappelons tout d’abord, quitte à enfoncer une porte ouverte, qu’un enfant a un impérieux besoin d’être aimé a fortiori par ses parents. Rien n’est plus vital pour un enfant que le besoin d’être aimé, mais surtout le besoin d’être aimé pour ce qu’il est, signe à la fois qu’il est reconnu et digne d’être aimé, y compris s’il n’est pas parfait ou conforme au modèle ou aux voeux de ses parents. Le problème majeur qui en découle c’est que le sentiment de sécurité se construit sur la base de cet amour juste, tout comme l’estime de soi.
La plus grande dangerosité est que l’enfant devienne, de fait, un « enfant nié » dont les perceptions sensations et sentiments ont été ignorées au profit du narcissisme d’un parent. L’une des tendances lourdes du parent toxique est de nier toute opinion, toute personnalité pour y substituer son ressenti propre. L’enfant est alors obligé de nier complètement ce qu’il ressent pour rester cohérent. Dans le meilleur des cas, il gardera éternellement un doute sur la validité de ce qu’il ressent, ce qui le rendra particulièrement vulnérable aux relations toxiques, car il aura toujours tendance à se mettre lui en cause au lieu de l’autre, et de plus, il est tellement habitué à cette forme de maltraitance morale et d’emprise de l’autre sur son psychisme qu’elle lui paraît presque normale. Il se met souvent lui-même en position d’attendre de l’autre qu’il lui dise ce qu’il doit penser, ressentir et faire.
C’est bien ici que se trouve le risque majeur : pas tant dans la reproduction pure et dure du « mon parent est toxique, je le deviens » mais beaucoup plus dans les problèmes de construction fondamentale de la personnalité de l’enfant.
A l’âge adulte, cela représente évidemment un risque relationnel soit car l’enfant devenu adulte sera dans la reproduction du schéma connu, soit parce qu’il sera incapable de s’épanouir dans une relation « normale » à savoir dans le respect de l’altérité.
Ces enfants « en manque d’amour » vont alors perpétuellement chercher justement à être aimés et à tenter de s’adapter aux demandes du parent toxique : ils deviennent alors corvéables à merci, toujours à l’affût de l’attente de l’autre pour s’y conformer. Face cet individu trop égocentrique et infirme affectif, l’enfant sera alors capable d’un mimétisme qui peut s’avérer fort dangereux.
D’un côté un parent sécurisant, de l’autre un parent totalement toxique et insécurisant… A l’inverse de ce que notre « bon sens » pourrait nous laisser à penser, l’enfant se mettra en quatre pour récupérer l’amour du parent insécurisant… Quitte à lui donner un jour raison pour espérer être enfin aimé… Alors que tant et tant parents se questionnent sur le « qu’ai-je fait pour mériter cela ? », il paraît incroyable de devoir répondre : « Rien ».
Alors pourquoi ? Parce que l’enfant a besoin d’être aimé et rassuré, parce que l’enfant ne peut admettre ni comprendre le manque d’amour d’un parent et qu’un enfant est « prêt à tout » pour le recevoir… et même si cela passe par le fait de se coaliser avec son parent toxique…
Une infamie ? Oui. Une injustice ? Oui. Une ignominie ? Oui. La preuve absolue de la souffrance de cet enfant en mal d’amour ? Oui et c’est là que se trouve l’antagonisme absolu… On nie celui qu’on aime au profit de celui qui ne nous aime pas….
Une telle servilité à l’autre peut provenir de l’angoisse d’abandon : tout sauf être abandonné, tout supporter sauf la séparation ! Pour l’enfant, coûte que coûte, rongé par son sentiment de loyauté, être aimé par les deux parents…
La faible estime de soi héritée du fait de ne pas avoir réussi à se faire aimer pour ce qu’on est laisse l’intime conviction qu’on ne mérite pas cet amour. La certitude que l’amour doit se mériter conforte le système.
La demande allant jusqu’à la mendicité et la prostitution affective, la séduction, la manipulation , la révolte ou le déni sont autant de techniques qui n’ont pour but que de chercher à contrôler l’autre trop dangereux pour notre monde affectif, en raison des émotions qu’il a le pouvoir de déclencher en nous.
L’enfant se retrouve donc en état de dépendance affective lié au manque : « Aime-moi s’il te plait » demande-t-il en boucler à son parent toxique qui lui répond peu ou prou « quand tu le mériteras »…
La dépendance affective connaît les mêmes alternances entre extase et souffrance, liées à la présence ou l’absence de satisfaction de l’autre. Mais au lieu d’un produit il s’agit d’un être humain, de sentiments forts, médiatisés, valorisés, idéalisés, comme « passion, « dévouement » « amour », « tristesse » (= manque), émotions qui ressenties uniquement sur le plan physique dans le cas d’un produit ou d’une compulsion matérielle envahissent ici le champ affectif et humain.
La dépendance affective est le « mouvement perpétuel « qui commémore une vieille histoire qui se réécrit au quotidien. »
Alors à cette fameuse question, je réponds non, un enfant ne devient pas toxique parce qu’il a un parent toxique mais je réponds que le risque d’échec de sa vie d’adulte est avéré car toutes ces habitudes prises très jeunes vont se retrouver dans les rapports de couple en particulier, les rapports sociaux en général.
Et une nouvelle fois, j’assume la notion de combat qu’il convient de mener pour son enfant afin que ce dernier comprenne ou au moins admette qu’il n’est pas responsable de la pathologie de son parent toxique et qu’il puisse, avec le temps qui passe, débuter un deuil de cet amour qu’il n’aura pas.
Un sociopathe n’est pas uniquement un mauvais mari ou une mauvaise épouse, il s’agit d’un être infirme affectivement dans la plus totale incapacité d’aimer l’autre, l’autre étant l’adulte autant que son propre enfant.
Et je pense à tous ces parents, culpabilisés d’avoir fait un enfant avec une personnalité toxique, qui ont voulu « sur-aimer » leur enfant et qui ont voulu le surprotéger et qui, aujourd’hui, le payent par l’ignominie de l’absence. Ce n’est pas l’enfant absent qui en porte la responsabilité mais bien le parent qui lui a « appris » que l’amour se méritait…
L’amour parental est un levier fondateur de l’épanouissement d’un enfant. Le manque d’amour et l’insécurité affective sont des drogues dures pour un enfant qui ne peut comprendre l’incompréhensible et qui, de fait, en prendra alors toute la responsabilité destructrice sur ses épaules…
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